Qu’est-ce que la LSFB ?

La langue des signes de Belgique Francophone (abréviation : LSFB) est la langue propre à la communauté des sourds de la Communauté française de Belgique. Bien qu’elle en subisse l’influence, elle est distincte du français parlé et écrit.

Caractéristiques linguistiques :

La langue des signes fonctionne en expression et en compréhension selon la modalité visuelle/gestuelle (par opposition à la modalité sonore/articulatoire des langues parlées). Comme pour toute langue, le nombre d’éléments constitutifs de la langue des signes est limité (versant phonologique). En revanche, le nombre d’éléments morphologiques est illimité.

Elle dispose d’une syntaxe propre et de représentations sémantiques spécifiques. Elle permet tous les niveaux d’abstraction, y compris la description de son propre fonctionnement (niveau métalinguistique). Elle permet d’exercer toutes les fonctions linguistiques : cognitives, communicatives et poétiques.

C’est une langue à « tradition orale »: elle se transmet à travers les générations et ne connaît pas de forme écrite. Il faut signaler que dans leur communication écrite quotidienne, fax, SMS, messages brefs sur l’internet et courriel, les personnes sourdes signantes transposent en français écrit les caractéristiques grammaticales de la langue des signes, produisant des textes difficilement compréhensibles par les personnes qui ne signent pas. Les linguistes donnent le terme de « glose » à ce procédé lorsqu’il est formalisé.

Il existe en outre des systèmes sophistiqués de transcription de la langue des signes utilisés par les linguistes et divers modes d’enregistrement (photographies, vidéos et dessins) servant notamment à son enseignement. Ces systèmes de transcription ne sont néanmoins pas utilisables à des fins de communication écrite. Mentionnons qu’aux Etats Unis, une tentative de généraliser un système d’écriture de la langue des signes (américaine) a été faite dans l’enseignement avec le « Sign Writing System ». Ce système est en cours de test dans plusieurs écoles de type 7 en Communauté Française.

Caractéristiques sociolinguistiques :

La LSFB se distingue de la langue des signes des régions et pays voisins par son vocabulaire et sa syntaxe : Flandre (VGT), France (LSF), Pays-Bas (NGT), et Allemagne (DGS), quoique les différences syntaxiques soient minimes.

Les variétés en usage dans les différentes parties de la région wallonne et à Bruxelles constituent des variantes régionales car elles restent mutuellement compréhensibles. Ces variantes ne constituent pas à elles seules des langues des signes différentes les unes des autres, ni même des dialectes. Les 6 principales variantes sont celle d’Uccle, Berchem, Woluwé, Liège, Ghlin et Bouge. Pour des raisons historiques, les variantes bruxelloises présentent de fortes ressemblances avec la variante du Brabant Flamand de la VGT.

Usagers

Définir la langue des signes consiste à définir la communauté qui la parle, à savoir la communauté des sourds de Belgique francophone. Plus exactement, décrire les usagers de la langue des signes consiste à faire le profil des membres de cette communauté, selon sept critères :

linguistique : maîtriser la langue des signes.
auditif : être sourd ou avoir une déficience auditive. Ce critère n’est pas exclusif puisque des entendants – enfants de parents sourds – font partie de la communauté.
familial : avoir soi-même des parents sourds ou des personnes sourdes dans sa famille. Ce critère n’est pas exclusif, puisqu’il n’existe que 5% de sourds dans cette situation. Le fait d’appartenir à une famille où l’on est sourd depuis plusieurs générations confère néanmoins un certain prestige à ses membres qui constituent le « noyau dur » de la communauté.
scolaire : avoir fréquenté d’autres sourds durant sa scolarité. Si possible dans les écoles pour sourds.
communautaire : participer à la vie de la communauté et à ses principales manifestations : réunions hebdomadaires dans les foyers de sourds, Journée Mondiale des Sourds, festival annuel « Sourds à l’image », banquets et commémorations, rencontres sportives.
politique : être investi dans la cause des sourds et défendre leurs revendications.
psychosocial : s’identifier comme membre de la communauté et être reconnu comme tel par ses pairs.

Néanmoins, les entendants pratiquant la langue des signes constituent un groupe important d’usagers, on y dénombre :

• des enfants entendants de parents sourds (CODA ou Children Of Deaf Adults),
• des parents d’enfants sourds, amis et proches,
• des interprètes travaillant pour les services d’interprètes et/ou comme indépendants,
• des interprètes engagés dans des établissements scolaires spécialisés ou des centres de réadaptation fonctionnelle,
• des professionnels : enseignants, éducateurs, animateurs et employés du monde associatif, assistants sociaux, personnel paramédical (logopèdes, psychologues) et autres professionnels engagés dans des établissements scolaires spécialisés, des centres de réadaptation fonctionnelle, des foyers d’hébergement pour adultes, des services sociaux, des associations de sourds,
• les étudiants des cours de LS,
• des professionnels (chercheurs, etc.) concernés par la langue des signes.

Ainsi, autour du « noyau dur » de la communauté des sourds, constitué par les sourds signants, se positionnent comme une série de cercles concentriques toutes les autres catégories de personnes, en terminant par les professionnels entendants, situés à la périphérie et comme à la frontière de cette communauté.

Source : Etude de faisabilité de la reconnaissance de la langue des signes en Belgique Francophone, Bruxelles, PROFILS – ULB, 2003.